Evénement FI à l'UniFR: les entreprises dans un monde en transmutation

Evénement FI à l'UniFR: les entreprises dans un monde en transmutation
"Les défis de l’économie suisse et fribourgeoise face aux bouleversements des équilibres mondiaux". La thématique de l'événement annuel organisé conjointement par Fribourg International (FI) et l'Université de Fribourg, en partenariat avec la Promotion économique du canton et la CCIF, a attiré plus de 140 personnes à l'alma mater à Pérolles le mardi 3 octobre 2023.

La guerre en Ukraine, tout comme les tensions persistantes et grandissantes en lien avec la Chine, obligent les entreprises et les pays à rechercher de nouveaux partenaires, a noté Dirk Morschett, doyen de la Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de Fribourg, dans son mot de bienvenue. Ces rivalités et batailles ont des impacts sur le franc, qui se renforce constamment, sur l'émergence de nouveaux concurrents, sur la stratégie des entreprises ou encore sur leurs investissements, a abondé Olivier Vavasseur, président de FI.

"Sommes-nous impuissants face à ces dynamiques?", a lancé le directeur de l'économie cantonale Olivier Curty. "Par rapport à la survenance des événements internationaux, oui, indéniablement. Mais les moyens d'actions sont nombreux au niveau cantonal", a-t-il poursuivi en pointant du doigt les multiples adaptations mises en œuvre par les entreprises et les autorités.

Mais quelle est la toile de fond concrète de ces turbulences aux multiples visage? "Sur le plan commercial, l'intensification des tensions date d'une bonne dizaine d'années", a rappelé Cédric Dupont, professeur à l'Institut de Hautes études internationales et du développement (IHEID) à Genève, lors de sa conférence introductive. Résultat, en termes d’échanges économiques, "c’est comme si nous avions atteint un plateau". La mondialisation ne progresse plus. Elle ne régresse pas non plus (pas encore), malgré les discours souvent véhiculés sur la relocalisation des chaînes de production ("friendshoring" ou "nearshoring").

Des chocs créés et corrélés

Depuis 2010, le monde n’a cessé d’aligner des crises, qui ont affecté les chaînes de valeur. Hormis la pandémie de covid, totalement imprévisible, force est toutefois de constater que "ces chocs ne sont pas aléatoires. Ils ont été créés. Ils sont corrélés". Cédric Dupont évoque notamment le Brexit ou la politique mise en œuvre par le président américain Donald Trump. "Les gouvernements sont entrés dans le jeu." Et d’illustrer: les sanctions commerciales internationales ne touchaient que 3% du commerce mondial en 2020 ; cette proportion était de l’ordre de 12% à la fin 2022.

Une course aux subventions s’est par ailleurs engagée des deux côtés de l’Atlantique. Pour rapatrier la production ou pour accélérer la transition vers une économie neutre en CO2, notamment. "Or les politiques industrielles sont neuf fois sur dix erronées", a rappelé Cédric Dupont. Dans un tel environnement, difficile pour la Suisse d’y voir clair. "Pour les Etats-Unis, les pays amis sont ceux avec qui Washington a signé un accord de libre-échange. Le Mexique est ainsi un pays ami. Pas la Suisse. Les Etats-Unis sont néanmoins notre premier partenaire commercial à l’exportation", a illustré Cédric Dupont.

Lors de la table ronde animée par l’éditorialiste France-Europe pour le Blick, Richard Werly, les participants ont disséqué les problèmes actuels par thèmes: la nécessité de ramener de la prévisibilité dans nos relations avec l’Europe, le défi climatique ou encore la sécurité. Philippe Nell, ancien chef du secteur des Amériques au Secrétariat d’Etat à l’économie (Seco) a considéré que la position internationale de la Suisse s’est affaiblie, par rapport au début des années 2000. En rejetant l’accord-cadre avec l’UE en 2021, sans le soumettre au parlement, le Conseil fédéral a initié un processus nouveau. Concrètement, il se traduit par une lente érosion de notre intégration au marché unique. "Cette exclusion a commencé pour la medtech, elle risque de se poursuivre avec l’industrie des machines, puis d’autres branches", a mis en garde Philippe Nell.

Risque bancaire

Pour Cédric Tille, professeur à l'IHEID, l’une des grandes inconnues, pour la Suisse, réside dans son exposition au risque bancaire. "Que ferons-nous lorsque UBS aura des problèmes? Mais poussons la question plus loin: avons-nous besoin d’une grande banque? La branche aurait intérêt à se repositionner, en particulier sur la finance durable", a-t-il analysé.

De manière plus globale, Thierry Madiès, professeur à la Faculté des sciences économiques et sociales et du management à l’Université de Fribourg, tout comme Olivier Vavasseur ont apporté un élément de réponse au nécessaire renforcement de la résilience suisse: augmenter la productivité du travail. "Cela doit se faire en axant notre objectif sur la cohésion sociale", a ajouté Thierry Madiès.

Concrètement, cela signifie que l’innovation, l’investissement et les adaptations ne doivent pas profiter qu’aux élites, comme en France par exemple. Le système de formation suisse permet de réussir ce pari, selon lui. Mais cela nécessite de continuer à se positionner systématiquement sur la haute valeur ajoutée. "Il n’y a aucune raison de vendre un produit ou un service plus cher si nous ne sommes pas plus productifs", a conclu Olivier Vavasseur.